Il est des silences reposants, des silences apaisants, des silences inquiétants. Celui que nous entendons aujourd’hui au refuge est un silence assourdissant, torpide, oppressant. Nous avions pris l’habitude depuis un an déjà des aboiements perpétuels de notre Oxo : c’était sa marque de fabrique, aboyer sur les chats, aboyer sur ses voisins de parcs, aboyer sur les courants d’air, sur tout ; et aujourd’hui, plus rien. Notre Oxo est parti. C’est le silence.
Une vie de misère, du début à la presque fin. Attaché à un arbre 10 ans durant, ignoré, il a bien failli ne jamais rencontrer d’affection. Une fois n’est pas coutume, c’est son abandon qui l’a sauvé. Maigre, sans poils, couvert d’escarres, incapable de rester debout trop longtemps, il a fallu un long chemin pour lui faire reprendre pied du côté de la santé et ressembler à nouveau à un chien. Mais les plaies du cœur guérissent mal et certaines restent béantes. Difficile pour lui de comprendre ce que lui voulait tout ce monde autour.
Le ventre enfin bien plein, un manteau pour l’hiver, des sorties quasi quotidiennes, des soins pour sa patte si douloureuse… nous avons fait ce que nous pouvions et notre papy a sans doute vécu sa meilleure année chez nous. Cela devrait nous soulager un peu de sa perte et pourtant, cela nous brise le cœur : car si lui l’ignorait, nous savons, nous, quelle aurait dû être sa vie : jamais il n’aura connu la vraie douceur d’une famille, du repos, de la confiance et ce misérable lambeau de bonheur qu’il aura connu dans sa dernière année, nous devrons bien nous en contenter.
On n’a décidément pas le paradis qu’on mérite.